Micheli Leccia est professeur de langue et cultures Corse ainsi que président du collectif « Parlemu Corsu » à Porto-Vecchio. Cet ensemble de militants est uni dans un même combat : faire du peuple Corse, un peuple bilingue. Il évoque l’actualité d’un patrimoine qui ne cesse de s’éteindre au fil des ans : la langue Corse. Son leitmotiv en dehors des salles de classes : intervenir et revendiquer la place prépondérante que peut avoir la langue au sein de la communauté de l’île. Il aborde les sujets d’actualités comme les langues minoritaires et le refus du sénat de voter le texte proposé par Christiane Taubira. Surtout, il dévoile les objectifs du collectif dans l’évolution de la langue et promet de rester mobilisé coûte que coûte.
1) Christiane Taubira a présenté le 31 juillet 2015 une charte visant à protéger et promouvoir les langues régionales. Les langues minoritaires sont-elles en danger ?
« Il est évident que la langue Corse est en danger. Le mal est profond et dure depuis de nombreuses années. Le Corse est de moins en moins utilisé dans la société et cela perdure malheureusement. Il est important de conserver une identité qui nous est propre et le transmettre aux nouvelles générations. Nous travaillons beaucoup sur ce point-là. D’un point de vue scolaire mais également et surtout dans la société. »
2) Le sénat a refusé le texte sur les langues régionales le 27 octobre 2015. Qu’en pensez-vous ?
« C’est un débat difficile dans la mesure où il doit y avoir une refonte total de la constitution de l’article 1 et 2. La charte Européenne doit être ratifiée dans sa globalité. Forcément pour des collectifs comme nous et j’englobe les Bretons, les Basques et autres régions, ce genre de décisions ne favorise pas le bilinguisme. Cependant, notre combat ne s’arrête pas à ça et nous nous battons pour la co-officialité de la langue Corse. »
3) Qu’est ce qui pourrait changer si la co-officialité venait à être votée en Corse ?
« Tout d’abord, charge à nous de donner un contenu à tout ça. Forcément, Il y aurait plus de moyens financiers. Nous avons des idées pour que la langue Corse revienne sur le devant de la scène. Il est difficile d’avoir une société bilingue parce qu’il y a toujours une langue qui prend le dessus sur l’autre. Attention, nous ne voulons pas que la langue Corse écrase le Français. Nous souhaitons un rééquilibrage entre les deux. Le Corse a sa place au même titre que le Français et nous voulons que les deux rayonnent dans la société. Pour y arriver nous disons qu’il faut, entre autres, des écoles en immersion et une formation du Corse obligatoire dans les entreprises. L’objectif est de développer la langue pour retrouver une identité. »
« Démontrer que c’est possible »
4) Quelles sont les raisons de cette perte de vitesse dans la transmission de la langue Corse ?
« La mauvaise santé de la langue corse est le fruit d’une longue politique de mépris et qui a créé une hiérarchie entre les langues : une langue haute, c’est-à-dire le Français (celle de l’administration, de l’école, des médias, des autorités) et le Corse, une langue basse (celle réservée au cercle familial). Problème aggravé par la perte de bon nombre de locuteurs, engendrée par les deux guerres mondiales et l’exode qui en a suivi… »
5) Comment s’organise le Collectif « Parlemu Corsu ! »?
« Le Collectif regroupe des personnes de tous horizons, plus de 100 associations, l’ensemble des chanteurs et groupes culturels insulaires… C’est une grosse structure qui compte près de 600 membres et qui se bat pour que notre société parle le Corse et devienne bilingue. Nous sommes loin des structures politiques et cherchons à agir de façon concrète d’un côté (conférences, débats, visites de musées en langue corse…) tout en ne se privant pas de revendiquer de l’autre (prise de paroles, manifestations festives..). Nous voulons démontrer que c’est possible, que le corse peut investir tous les domaines. Les actions que nous entreprenons pour la langue Corse depuis le début nous poussent à y croire. Nous sommes soutenus par des entreprises privées mais également par la société tout entière. C’est très encourageant. »
6) Quels sont vos initiatives futures pour inciter les Corses à soutenir ce projet ?
« Par des mobilisations massives dans la rue toujours dans un esprit festif, et aussi par des actions, tout en restant pacifiques, qui se voudront déterminées et hautement symboliques. L’objectif est de rassembler le maximum de personnes. Faire passer le message que la langue Corse ne doit pas mourir. »